mardi 9 janvier 2018

Un certain M. Piekielny - François-Henri Désérable

En mai 2014, des hasards me jetèrent rue Jono Basanaviciaus, à Vilnius, en Lituanie. [F.-H.D.]
Voilà un roman qui s'intéresse à un personnage croisé, décrit ou créé par Romain Gary, un roman sur le parcours de l'auteur Romain Gary lui-même, mais aussi un roman où François-Henri Désérable aborde son propre processus d'écriture et porte un regard sur l'enquête qu'il mène pour livrer ce roman.

Ainsi, les tribulations de la vie amènent notre auteur sur une certaine rue, quelque part en Lituanie. Cette rue, c'est celle où habitait Roman Kacew (Romain Gary), celle qu'il dépeint dans La promesse de l'aube où apparaît subrepticement un personnage, un petit homme qui prendra au sérieux la mère de Roman dans ses visions d'un avenir glorieux pour son fils et qui dira à ce dernier «Quand tu rencontreras de grands personnages [...], promets-moi de leur dire : au no 16 de la rue Grande-Pohulanka, à Wilno, habitait un certain M.Piekielny.»

Désérable s'engage alors dans une véritable investigation autour de ce monsieur Piekielny qui aurait été voisin de Romain Gary quelque part entre 1917 et 1923 lorsque celui-ci résidait rue Grande-Pohulanka. Qui était-il ? Jouait-il silencieusement du violon le soir en regardant par la fenêtre la nuit qui s'insinue ? A-t-il vraiment fait cette surprenante déclaration au jeune Roman ? A-t-il été victime, comme plusieurs, des charges du nazisme ?

François-Henri Désérable a déjà livré Évariste sur la courte vie d'un romantique mathématicien. Il ne s'est pas découragé devant le peu d'informations historiques solides et s'est permis de broder, sans honte et au regard de tous, quelques événements, quelques péripéties, quelques rencontres. Cela ne s'est peut-être pas déroulé de cette façon, mais comme il le mentionnait alors : Je préférerai toujours le mystère aux certitudes bien forgées, le champ des possibles à l'indéniable vérité. 

C'est probablement dans cet esprit qu'il raconte ici Piekielny. Le chapitre sur l'éventuelle photo de Roman Kacew, enfant, où apparaîtrait presque par mégarde monsieur Piekielny est un petit bijou de cabotinage suranné.

Mais, cette recherche d'un certain Piekielny, c'est aussi une approche de l'auteur Romain Gary, un regard sur sa vie et son oeuvre, sur ses frasques et ses rencontres jusqu'à ce moment imaginé par Désérable où Gary est l'invité à une émission d'Apostrophes alors qu'il craint que son pseudo Ajar ne soit dévoilé.

François-Henri Désérable nous embarque dans son périple de conteur et c'est bien volontaire que l'on se laisse mener ainsi dans les dédales de son écriture, de sa verve et de son imagination.
«Si l'on ne peut trouver de jouissances à lire et relire un livre, disait Oscar Wilde, il n'est d'aucune utilité de le lire même une fois.» C'est un critère subjectif, excessif, largement excessif, tout aussi largement exclusif ; j'y souscris : chaque fois qu'il y a désir de relecture, il y a littérature. [F.-H.D.]
[...] on aurait pu mettre à bas les institutions de la République et guillotiner le président sous mes fenêtres, j'aurais tiré les rideaux. De tout cela désormais je me foutais royalement. J'étais Kafka notant dans son Journal, à l'été 1914 : « L'Allemagne a déclaré la guerre à la Russie. Après-midi, piscine. » [F.-H.D.]
Tu peux enfouir le passé, me dit mon grand-père, tu ne l'empêcheras pas de ressurgir. [F.-H.D.] 
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Sur Rives et dérives, on trouve un autre commentaire à propos d'un roman de François-Henri Désérable :

Désérable
François-Henri
Évariste


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