jeudi 9 novembre 2017

Un certain Blatte - Patrice Delbourg

Il pleut depuis ce matin. [P.D.]
Cette première phrase ne témoigne pas tout à fait adéquatement de l'écriture de Delbourg dans ce roman initialement publié au Seuil en 1989 et réédité ici chez Arbre Vengeur. Patrice Delbourg nous plonge avec son personnage atypique, ce Blatte syllogomane, cet accumulateur compulsif, qui vit d'une certaine façon par procuration au travers son amas de déchets scrupuleusement recueillis tels des reliques, dans un univers de mots et de figures de style, dans des métaphores, des oxymores, des métonymies et autres anacoluthes. À ma lecture, le cadre de vie d'Adrien Blatte bien qu'exprimé dans toute sa solitude et son existence en fuite perpétuelle par rapport à une autre réalité est devenu secondaire et ce sont les mots, les phrases, le style, l'écriture elle-même qui ont pris la place du héros, qui sont devenus le personnage principal, qui sont devenus la raison de cette lecture, le fil rouge qui m'a maintenu comme lecteur en lien à un auteur inventif, créatif qui joue du mot comme d'autres d'un instrument, qui crée une musique difficile mais contemporaine et éclatante.
Parmi les cassettes éparpillées sous le choc, la police avait retrouvé les standards de Miles Davis, le quatuor no 19 de Mozart, Köchel 465 dit Les Dissonnances, un concert de Michel Jonasz en public, tout Boby Lapointe. Le premier mouvement adagio d’une symphonie de Haydn, no 94, La Surprise, fut bloqué au moment de la collision. [P.D.]
Patrice Delbourg sème ses textes d'images fortes, il juxtapose des syntagmes provenant d'univers disjoints. Son ludisme l'amène, et nous avec lui, sur des territoires où la stylistique devient jeu, où le mot devient boule sur une table de billard, où les phrases s'inscrivent comme une trajectoire sur cette table-dictionnaire. Le lire et le suivre dans ses élucubrations d'écriture devient une expérience sans égale.
La rue sature ses slogans. [P.D.]
Un essaim de grues flèche le ciel cyanosé. [P.D.]
Mais il était lui, Adrien. Profession endurance. Signes particuliers: dégoût et des douleurs. [P.D.]
On dira à l’entrée du palafitte: «Je vous présente un monsieur qui fut moitié un autre, moitié tout le monde, surtout personne. Il n’eut ni enfance ni maturité. Il ne fut rien après comme il avait été zéro avant.» Avec un peu d’aubaine, il bénéficiera peut-être d’un non-lieu. [P.D.]


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